Quand on rencontre Viviane Doré Nadeau, on a tout de suite envie de lutter à ses côtés pour une plus grande justice sociale! C’est avec beaucoup de générosité qu’elle partage sa vision des enjeux qui touchent les femmes dans notre société. Mais c’est surtout avec des étoiles dans les yeux qu’elle nous parle de la possibilité d’un monde plus égalitaire et d’actions à entreprendre pour y arriver. On saisit alors tout l’intérêt de se mobiliser autour d’enjeux collectifs, ce qui constitue d’ailleurs la raison d’être de ConcertAction Femmes Estrie (CAFE), le réseau féministe régional que Viviane dirige depuis 12 ans.
De comédienne à militante
Avant son arrivée à CAFE, Viviane a roulé sa bosse comme artiste au sein d’une troupe de théâtre engagé tout en naviguant dans les méandres d’une séparation, de la monoparentalité et de sa migration de la grande métropole à l’Estrie.
Dès son jeune âge, elle rêvait déjà d’enrayer la pauvreté, et cette perspective d’égalité des chances pour toutes et tous ne l’a jamais quittée depuis. Portant des valeurs d’entraide, de solidarité, d’interconnexion et de respect de la terre, elle se dit inspirée par le mode de fonctionnement des sociétés autochtones et déplore que notre système capitaliste soit axé davantage sur l’individu que la collectivité.
La force du nombre
Heureusement, notre militante ne mène pas seule ses batailles. Elle est entourée de son équipe de travail et d’une quarantaine d’organisations communautaires qui œuvrent auprès des femmes en Estrie (telles que les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, les maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence ou en difficulté, les centres de femmes, etc.).
Ces personnes entreprennent collectivement des actions pour défendre les droits des femmes et améliorer leurs conditions de vie. Et c’est à force de sensibilisation, de rencontres avec les élu.e.s, de lettres ouvertes, de sorties dans les médias (et dans les rues), de projets de recherche et d’actions conjointes avec d’autres réseaux féministes québécois et canadiens, qu’elles obtiennent des gains et font changer des lois. Par exemple, à l’annonce de la fermeture de la clinique d’avortement de notre région en raison de la pandémie, les groupes de femmes de chez nous se sont mobilisés et ont fait des pressions pour que ce service reste accessible. Pensons également au mouvement #moiaussi/#metoo qui a eu un impact sur la dénonciation de toutes les formes de violences envers les femmes et qui a contribué à des évolutions législatives, comme, à titre d’exemple, le délai de prescription des crimes sexuels.
Le mythe de l’égalité
Mais malgré plusieurs avancées à l’égard des droits des femmes dans les dernières décennies, on ne peut toujours pas dire que l’égalité est atteinte dans notre société québécoise que l’on qualifie pourtant de progressiste. « Les femmes sont malheureusement encore victimes de plusieurs stéréotypes », affirme la directrice de CAFE. Elles prennent moins aisément la parole dans un groupe que les hommes, sont moins présentes dans la sphère politique et occupent davantage des emplois moins bien rémunérés et à temps partiel. De plus, elles sont plus souvent victimes de violence et d’agressions sexuelles. Et quand elles réussissent à s’insérer dans les milieux professionnels masculins, comme les métiers de la construction, elles y sont souvent victimes de discrimination et de harcèlement, quand elles ne sont pas carrément discréditées. « En général, un homme fait-il confiance à une femme mécanicienne pour réparer son auto? Voilà, vous avez tout compris… », note Viviane.
Vivre à la croisée de différentes oppressions
S’ajoutent au sexisme les discriminations reliées à l’origine ethnique, l’orientation sexuelle et les handicaps physiques. C’est ce qu’on appelle l’intersectionnalité, c’est-à-dire le fait de subir simultanément plusieurs formes de domination ou de discrimination dans une société. C’est donc dire qu’il y a des inégalités au sein même des femmes.
Les femmes immigrantes, lesbiennes, trans ou à mobilité réduite ont-elles autant d’opportunités d’obtenir un emploi, de trouver un logement, de participer aux instances décisionnelles? On voit donc qu’il reste du chemin à faire, beaucoup de chemin, pour atteindre l’égalité des chances.
Ça commence à l’école
Pour combattre les stéréotypes sexuels « dans l’œuf », CAFE a déjà initié quelques projets dans les milieux d’éducation. Les ateliers « J’éduque à l’égalité », par exemple, ont pour but de rencontrer le personnel éducatif, du préscolaire à l’université, ainsi que les personnes qui visent ces emplois, afin de réfléchir à la socialisation transmise et de s’assurer que l’éducation soit exempte de stéréotypes. Jusqu’à présent, 700 personnes ont participé à ces ateliers de sensibilisation en Estrie.
La conciliation famille-étude-travail est-elle un vœu pieux?
Un projet de recherche-action initié par CAFE en 2011, en collaboration avec le Centre d’intégration au marché de l’emploi (CIME), a permis de constater que la conciliation famille-études-travail ne semblait pas encore faire partie des priorités d’intervention dans la plupart des milieux associatifs, municipaux et économiques consultés.
« Dans le contexte de participation accrue des femmes au marché de l’emploi et d’inégalités persistantes entre les femmes et les hommes concernant le partage des activités domestiques, il a semblé primordial de sensibiliser les différents milieux de travail et d’études », mentionne Viviane. C’est pourquoi CAFE a initié une stratégie d’action régionale qui a permis, entre autres, d’accompagner une cinquantaine d’entreprises de notre région dans l’implantation de mesures facilitant la conciliation famille-études-travail.
Pour consulter le rapport final Conciliation famille-études-travail en Estrie – Portrait et stratégie d’action : cliquez ici.
Marcher pour transformer
C’est avec fierté que Viviane nous parle de l’implication de CAFE à la Marche mondiale des Femmes (MMF), ce mouvement d’actions féministes né au Québec et désormais présent dans une centaine de pays. CAFE en porte, haut et fort, les revendications qui visent principalement l’élimination des causes de la pauvreté et de la violence envers les femmes. Saviez-vous que des citoyennes de la région peuvent s’impliquer au Comité de la MMF-Estrie? Si cela vous intéresse, contactez CAFE à info@concertactionfemmesestrie.org ou sur Facebook : #MMFEstrie.
Au-delà des difficultés, l’espoir
Le plus grand rêve de Viviane est « que les femmes puissent s’épanouir en tant qu’êtres humains, qu’elles puissent vivre en toute sécurité, autant dans leurs relations intimes que dans la société, et qu’elles puissent faire ce qu’elles désirent réellement. »
Selon la militante féministe, toutes les grandes transformations sociales résultent d’une mise en commun des efforts de centaines, voire de milliers de gens. Elle croit aussi que les crises comme celle que nous traversons présentement constituent des périodes propices au changement. Alors, unissons nos voix!