Les petites et moyennes entreprises (PME) incluant les très petites entreprises (TPE) ont beaucoup à gagner en adoptant une politique RSE. Bien qu’on remarque une augmentation des PME qui adoptent un comportement transparent et éthique, certains entrepreneurs ne sont pas encore au fait des retombées économiques, sociales et environnementales positives que leur apporterait la RSE. Par où commencer pour intégrer la RSE dans sa petite entreprise?
Les PME (1 à 99 employés) représentent près de 98% du total des entreprises au Québec. Si les statistiques sur le nombre des très petites entreprises (1 à 9 employés) sont difficiles à trouver pour le Québec, on sait qu’au Canada les TPE représentent environ 73,5% du total des entreprises selon le site du Ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada. C’est donc dire que les très petites, les petites et les moyennes entreprises représentent une masse critique d’entreprises qu’il ne faut pas négliger.
Plusieurs chercheurs indiquent que prises globalement, les PME « représentent 90 à 99% de nos économies, emploient entre 50 et 60% des travailleurs et, produiraient 60% des déchets commerciaux et 70 à 80% de la pollution totale », résume le Dr. Kadia Georges Aka, enseignant-chercheur à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Les PME, mises ensemble, ont donc un impact social, économique et environnemental considérable.
« Dans un contexte où le dirigeant de PME a de fortes valeurs environnementales et sociales, une politique de RSE a pour avantage d’être implantée plus facilement et plus rapidement. » |
Pourquoi intégrer la RSE dans sa petite entreprise ?
Les premières études sur l’intégration d’une politique de responsabilité sociale en entreprise (RSE) dans les PME datent des années 2000.
Selon plusieurs recherches récentes, les retombées positives de la RSE sont multiples : différentes études montrent qu’elle engendrerait des économies opérationnelles pour l’entreprise (moins de déchets, moins d’utilisation d’énergie, plus grande efficience dans l’utilisation des ressources), améliorerait son image et sa réputation, stimulerait l’innovation et lui assurerait l’accès à de nouveaux marchés, entre autres. Selon M. Aka, « très souvent, l’adoption d’une politique de RSE se met en place suivant les valeurs, les convictions, les intuitions du dirigeant qui est un acteur central dans la PME. Dans un contexte où le dirigeant de PME a de fortes valeurs environnementales et sociales, une politique de RSE a pour avantage d’être implantée plus facilement et plus rapidement. » Cependant, tout ne repose pas sur lui : pour les chercheurs Élise Bonneveux et Richard Soparnot, un dirigeant qui ne serait pas sensible aux enjeux écologiques, sociaux et sociétaux pourrait tout de même, sous l’impulsion de parties prenantes externes, être à l’origine d’une stratégie RSE.
Un autre avantage propre aux TPE et aux PME est la proximité des parties prenantes, c’est-à-dire les actionnaires, les salariés, les fournisseurs, les clients, les ONG et les communautés locales, qui favoriserait les démarches de développement durable et de RSE. Cette proximité « permet de s’engager dans la RSE sans mobiliser de grands moyens pour la formalisation et la coordination », peut-on lire sur le site d’information français LesÉchos.fr. Un employeur pourrait tout simplement encourager ses salariés à trier les déchets pour commencer et sélectionner des fournisseurs qui prônent des valeurs sociales et environnementales.
Les obstacles à la RSE
Même si la RSE peut être facilement intégrée à l’entreprise, pour certains dirigeants, ses bienfaits restent encore à être démontrés. La méconnaissance de la RSE est d’ailleurs un des principaux obstacles à son implantation, en plus du manque de ressources et de temps. Selon une enquête menée en France en 2016 par Audencia Nantes École de Management, seulement 16 % des chefs d’entreprises déclarent savoir exactement ce qu’est la RSE. Au Québec, une étude menée par Thérèse Des Rochers et Marie-France Turcotte conclut que peu de dirigeants comprennent bien la notion de développement durable. Elle révèle aussi que « les dirigeants conçoivent la RSE telle que le définit la norme ISO 26000, c’est-à-dire comme la responsabilité d’une entreprise face aux impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement. Il s’agit pour ces organisations de participer à leur niveau au projet de société : le développement durable. Mais, la méconnaissance du concept de développement durable souligne la nécessité de sensibiliser les dirigeants de petites entreprises à cette notion. » Par ailleurs, une étude menée par le chercheur François Labelle auprès de 500 PME québécoises en 2014
(Les PME en marche vers le développement durable) indique que 40% des dirigeants de ces entreprises ne connaissent pas le concept de développement durable. De surcroît, certains dirigeants pourraient penser que la démarche RSE est couteuse. Pourtant, la PME a des avantages que les grandes entreprises n’ont pas. Comme le souligne le Dr. Kadia Georges AKA, la flexibilité organisationnelle de la PME, lui permettant de s’adapter facilement, sa proximité avec les acteurs de son milieu, lui permettant de comprendre leurs besoins et leurs préoccupations qu’elle peut transformer rapidement en solutions, et sa facilité d’accès à des réseaux d’acteurs, qui possèdent des ressources et des compétences complémentaires, sont des facteurs qui favoriseraient l’implantation de la RSE.
Par où commencer ?
Un bon point de départ pour une PME qui souhaite intégrer la RSE serait de définir sa propre orientation durable en mettant l’accent sur un pilier, soit celui de l’écologie, du social ou du sociétal. Voici différentes stratégies responsables selon les différents pilliers :
- Écologie : réduction et recyclage des déchets, consommation d’énergie, prévention de la pollution, préservation de l’environnement naturel, transport.
- Social : dialogue social, équilibre vie privée / vie professionnelle, gestion des compétences, diversité au travail.
- Sociétal : développement du tissu économique local, mécénat, réinsertion professionnelle, partenariat normalisé avec les fournisseurs.
Dr. Kadia Georges Aka explique qu’une PME pourrait penser à adopter une politique de responsabilité sociale de façon graduelle en adoptant à la fois l’approche managériale et stratégique. L’intégration de la RSE pourrait donc débuter par des pratiques de gestion quotidienne (par exemple, respect des normes environnementales, philanthropie, pratique de recyclage, réduction de la consommation d’énergie) pour s’incruster ensuite dans la stratégie de l’entreprise, c’est-à-dire une redéfinition du périmètre d’activités (produits/services, marchés et compétentes) et une contribution à la création de valeur partagée (soit environnementale, sociale et économique). Selon le chercheur, « cette démarche gradualiste convient mieux à la réalité de la PME qui a souvent des ressources et des compétences insuffisantes pour s’engager brusquement dans la RSE. »
Les petites entreprises qui souhaitent donc implanter des stratégies RSE doivent s’informant sur les différentes normes et certifications qui sont à la disposition des PME. La norme ISO-26000, qui s’adresse davantage aux grandes entreprises, définit et donne les grandes lignes de la RSE, mais il est bon de la connaître. Pour les PME, il existe la norme BNQ-21000, un outil visant à les encourager à développer une culture organisationnelle autour du développement durable et à les soutenir dans la mise en place d’une gestion stratégique et une gouvernance responsable. Selon la plateforme E-RSE, le principale avantage de cette norme est qu’« elle propose une version intégrale et une version simplifiée spécialement destinée aux PME ». L’outil serait simple d’utilisation, adapté aux attentes des PME, peu contraignant et compréhensible.
La PME pourrait également travailler à la conception de son rapport RSE qui, en plus d’être un outil de gestion pour l’entreprise, c’est-à-dire qu’il permet à l’entreprise de se fixer des objectifs, de définir des moyens, d’évaluer ses résultats et de prendre des mesures correctives qui ont trait à sa responsabilité sociétale, c’est un outil de communication qui lui permet de se faire connaître auprès des différents acteurs. En effet, les clients, les fournisseurs, les investisseurs et les futurs employés sensibles aux enjeux environnementaux et sociaux seront plus enclins à se rapprocher d’une manière ou d’une autre de cette entreprise capable de comprendre ces enjeux, les risques qu’ils comportent et de les intégrer.
Sur le plan du financement, quelques institutions financières consacrent des portefeuilles aux entreprises qui adoptent de bonnes pratiques environnementales. Des organismes publics tels qu’Écotech et EnviroAcces soutiennent les PME qui voudraient s’engager dans une démarche RSE.
La RSE dans les PME, oui c’est possible !
Plusieurs PME québécoises ont intégré les principes de la RSE dans leur organisation. C’est le cas, par exemple, de Kübbii, qui offre des modules en carton recyclé pouvant être utilisés comme meubles dont la fabrication nécessite une très petite quantité d’énergie et la production est entièrement réalisée au Québec. De plus, les sangles servant à attacher les modules entre eux sont réalisées par l’organisme Les Petites Mains de Montréal soutient les femmes immigrantes et contribue à leur insertion dans la société québécoise. Quant à l’entreprise Zorah biocosmétiques, elle propose des produits provenant de l’agriculture biologique, encourage le commerce local et équitable et utilise des emballages recyclés.
Il n’y a donc pas qu’une seule manière de concevoir et d’intégrer la RSE dans son entreprise… les stratégies possibles n’ont pas de limite !
Pour terminer, voici quelques conseils essentiels pour intégrer la RSE dans votre PME :
- Avoir une vision ;
- Rester fidèle à son entreprise (selon sa taille, son secteur et son emplacement) ;
- Demander une rétroaction à ses employés, ses clients, ses fournisseurs afin de découvrir les possibilités d’innovation ;
- Se concentrer sur les économies à long terme.
La RSE dans une petite entreprise, c’est effectivement possible !
Bel article